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Cahiers de dolйances de 1789 (tiers-йtat, clergй, noblesse, Etats gйnйraux)

1) Jules Michelet a bien saisi l’importance historique du printemps 89, l’erreur politique commise par la monarchie en convoquant les Etats Gйnйraux

2) Que sont les Etats Gйnйraux ?

3) La prйparation des Etats Gйnйraux de 1789 se dйroule de faзon beaucoup plus dйmocratique que par le passй

4) En ce printemps 1789 un climat social, culturel, politique nouveau et contestataire

5) Les cahiers de dolйances du clergй

6) Les cahiers de dolйances du Tiers Etat contre les injustices criantes de l’Ancien rйgime

7) Les cahiers du Tiers Etat s’attaquent au clergй, а la noblesse, aux ministres du roi

8) Les cahiers du Tiers Etat contre les impфts lourds, complexes et arbitraires d’Ancien rйgime

9) Les cahiers de dolйances du Tiers Etat pour la souverainetй populaire, un systиme politique reprйsentatif, des droits dйmocratiques

10) Les cahiers de dolйances du Tiers Etat pour une sociйtй plus йgalitaire, prenant en compte les besoins de la population

11) Les cahiers de dolйances de la noblesse

12) Les cahiers de dolйances analysйs par trois historiens

La Rйvolution franзaise commence par la convocation des Etats Gйnйraux, la rйdaction de cahiers de dolйances et l’йlection de reprйsentants dans chaque paroisse, chaque corporation de chaque bourg, chaque bailliage, chaque sйnйchaussйe.

Nous avons vu dans notre prйcйdent article comment le roi Louis XVI, se trouvant dans une impasse financiиre, dйcide de convoquer les Etats gйnйraux.

Les Йtats gйnйraux marquent le dйbut de la Rйvolution franзaise. Leur but initial йtait de renflouer le trйsor royal mais ils furent utilisйs pour faire le point des griefs et des souhaits avant que les Etats Gйnйraux rйunis ne se proclament Assemblйe nationale.

1) Jules Michelet (historien du 19иme siиcle) a bien saisi l’importance historique du printemps 89, l’erreur politique commise par la monarchie en convoquant les Etats Gйnйraux

1a) Au printemps 1789, la prйparation des Etats Gйnйraux et la rйdaction des cahiers de dolйances marque la naissance du peuple comme facteur politique а l’йchelle d’un grand pays

"La convocation des Etats Gйnйraux de 1789 est l’иre vйritable de la naissance du peuple. Elle appela le peuple tout entier а l’exercice de ses droits. Il put du moins йcrire ses plaintes, ses voeux, йlire des йlecteurs.

" On avait vu de petites sociйtйs rйpublicaines admettre tous leurs membres а la participation des droits politiques, jamais un grand royaume, un empire, comme йtait la France. La chose йtait nouvelle, non seulement dans nos annales, mais dans celles mкme du monde.

" Aussi, quand, pour la premiиre fois, а la fin des temps, ce mot fut entendu. Tous s’assembleront pour йlire, tous йcriront leurs plaintes, ce fut une commotion immense, profonde, comme un tremblement de terre ; la masse en tressaillit jusqu’aux rйgions obscures et muettes, oщ l’on eыt le moins soupзonnй la vie."

1b) L’erreur politique commise par la monarchie en convoquant les Etats Gйnйraux

" Le fisc d’une part, la fйodalitй de l’autre semblaient lutter pour abrutir (le peuple) sous la pesanteur des maux. La royautй. le clergй. semblaient avoir tout fait pour le rendre incapable, muet, sans parole et sans pensйe.

" On avait comptй, trop comptй sur cette incapacitй ; autrement, jamais on n’eыt hasardй de faire ce grand mouvement (des Etats Gйnйraux). Les Parlements qui les rйclamиrent, les ministres qui les promirent, Necker qui les convoqua, tous croyaient le peuple hors d’йtat d’y prendre une part sйrieuse. Ils pensaient seulement par cette йvocation solennelle d’une grande masse inerte, faire peur aux privilйgiйs. La Cour. espйrait seulement des contributions forcйes du Clergй et de la Noblesse, pour remplir la caisse publique dont elle faisait la sienne.

" En rйalitй, on voulait кtre gйnйreux а bon marchй. Le Tiers, plus ou moins nombreux, ne ferait toujours qu’un des trois ordres, n’aurait toujours qu’une voix contre deux. Dans tous les temps, (il) avait йtй, trиs respectueux, trop bien appris pour vouloir кtre reprйsentй par des hommes du Tiers. Il nommait souvent des nobles pour dйputйs, le plus souvent des anoblis, gens du Parlement et autres, qui se piquaient de voter avec la Noblesse, contre les intйrкts du Tiers qui les avait nommйs."

2) Que sont les Etats Gйnйraux ?

Ils font partie des traditions anciennes de la monarchie franзaise. De 1302 а 1614, ils ont йtй rйunis assez souvent pour rassembler le pays autour du roi, voter des moyens financiers exceptionnels, sortir d’une crise grave (1302, face au pape ; 1308, crise des Templiers ; 1355 а 1359, dйfaite de Poitiers pendant la Guerre de Cent Ans ; 1614 rйgence aprиs la mort de HenriIV). Sur la fin du Moyen Age, ils donnent lieu а la rйdaction de cahiers de dolйances par des assemblйes locales puis rйgionales. Celles-ci choisissent йgalement des reprйsentants qui se rйunissent et votent aux Etats selon la formule. 1 voix par ordre. Ainsi, les privilйgiйs (clergй, noblesse) disposent d’une majoritй de 2 voix contre une.

De 1787 а 1789, plusieurs forces poussent а la convocation des Etats Gйnйraux pour des raisons contradictoires :

* des ministres pour renflouer les caisses de l’Etat en faisant participer а l’impфt la Noblesse et le Clergй.

• la rйaction nobiliaire (Parlements…) pour s’opposer а cette rйpartition plus йquitable des impфts.

• les milieux progressistes bourgeois pour pousser а une monarchie reprйsentative proche des systиmes anglais ou amйricain.

L’Etat royal s’enfonзant de plus en plus dans l’impasse, Louis XVI se dйcide donc dйbut aoыt 1788 а convoquer les Etats gйnйraux. Aprиs plusieurs mois d’hйsitations concernant les modalitйs, l’ordonnance publique lue dans tout le pays, date seulement de janvier 1789 :

Notre aimй et fйal.

"Nous avons besoin du concours de nos fidиles sujets pour Nous aider а surmonter toutes les difficultйs oщ Nous Nous trouvons relativement а l’йtat de Nos finances, et pour йtablir, suivant nos voeux, un ordre constant et invariable dans toutes les parties du gouvernement qui intйressent le bonheur de nos sujets et la prospйritй de Notre royaume.

"Ces grands motifs Nous ont dйterminй а convoquer l’Assemblйe des Йtats de toutes les provinces de notre obйissance, tant pour Nous conseiller et Nous assister dans toutes les choses qui seront mises sous nos yeux, que pour Nous faire connaоtre les souhaits et dolйances de nos peuples. de maniиre que par une mutuelle confiance et par un amour rйciproque entre le souverain et ses sujets, il soit apportй le plus promptement possible un remиde efficace aux maux de l’Йtat, que les abus de tous genre soient rйformйs et prйvenus par de bons et solides moyens qui assurent la fйlicitй publique et qui nous rendent а Nous particuliиrement, le calme et la tranquillitй dont Nous sommes privйs depuis si longtemps ».

3) La prйparation des Etats Gйnйraux de 1789 se dйroule de faзon beaucoup plus dйmocratique que par le passй

Qui lit cette lettre royale et convoque les rйunions. Le curй de chaque paroisse dans son sermon dominical.

Qui participe а la discussion, а la rйdaction du cahier et au vote ?

* L’ensemble des ecclйsiastiques se rйunit au chef-lieu de chaque bailliage ou sйnйchaussйe. Consйquence. le clergй "moyen" sort bien mieux reprйsentй qu’auparavant.

* L’ensemble des nobles se rйunit de la mкme maniиre pour йlire 330 dйputйs.

* Pour le Tiers-йtat, l’йlection se fait en milieu rural а deux niveaux ( premiиrement les йlecteurs locaux choisissent leurs dйlйguйs par paroisse, deuxiиme temps ceux-ci йlisent les dйputйs au chef-lieu) et а trois niveaux dans les villes (corporation, assemblйe de ville, assemblйe de bailliage commune avec les dйlйguйs ruraux).

Ainsi, en mars avril 1789, chaque communautй rurale, chaque corporation de mйtier de chaque bourg, rйdige des cahiers de dolйances et йlit des dйlйguйs.

Ces assemblйes du printemps 1789 sont beaucoup plus formalisйes, beaucoup plus sources de dйbat que dans le passй. Voici le cas de l’Assemblйe du clergй du Rouergue. Le premier jour, elle йlit un secrйtaire et 12 commissaires chargйs de vйrifier les mandats. Une fois ce travail de validation terminй, l’assemblйe peut le deuxiиme jour constituer deux commissions, l’une pour la rйdaction du cahier de dolйances, l’autre pour йlaborer un document d’observations en matiиre ecclйsiastique. Au bout d’une dizaine de jours (22 mars 1789), le cahier de dolйances est prкt. Celui-ci est validй par l’assemblйe du clergй le 23 puis proposй а la Noblesse et au Tiers йtat rouergats, mais aucun accord ne s’avиre possible.

La population s’est-elle impliquйe dans ce processus. Oui ; les rйunions peuvent кtre caractйrisйes comme des assemblйes gйnйrales locales massives. Environ 40000 conseils locaux ou professionnels de ce type ont rйdigй 40000 cahiers de dolйances. Necker avait prйvu l’obligation du vote а haute voix et non а bulletin secret pour intimider chacun en prйsence de notables et reprйsentants du seigneur. Pourtant, les comptes-rendus qui nous sont parvenus permettent d’affirmer que le peuple s’est exprimй par ses cahiers, mкme si tel notaire, tel marchand ou tel curй tenait la plume. De mкme, si des modиles de cahier ont circulй, ils n’ont pas annihilй la diversitй des souhaits et revendications.

Cette large participation au vote entraоne une meilleure reprйsentation de la population ; on peut mкme parler d’une dйmocratisation du processus de dйsignation des reprйsentants.

Lors des prйcйdents Etats (1614) seuls cinq curйs avaient йtй йlus. En 1789, ce nombre monte а 230 (sur 326 dйputйs du clergй).

C’est surtout la dйlйgation du Tiers Etat qui change, en nombre (661) et en nature sociale :

• En 1614, les dйputйs du Tiers sont assez intйgrйs dans la hiйrarchie sociale fйodale et dans la machine administrative royale. sur 187 dйputйs, on comptait 31 nobles et 72 propriйtaires de seigneuries, 121 sont titulaires d’offices royaux de justice ou de finance.

• En 1789, sur 661, 214 proviennent des professions libйrales, 207 fonctionnaires et hommes de loi, 115 de commerзants, agriculteurs et industriels.

4) En ce printemps 1789 un climat social, culturel, politique nouveau et contestataire

L’йconomiste anglais Arthur Young avait dйjа notй le 17 octobre 1787 dans ses carnets de voyages en France. « Une grande fermentation parmi les hommes de tous les rangs ».

Nous avons esquissй dans un prйcйdent article les йmeutes sociales frйquentes en milieu populaire а cette йpoque.

Voici l’йtat de la France en 1789 d’aprиs le cahier de dolйances du clergй de la sйnйchaussйe d’Auch. « Un esprit de philosophie et d’impiйtй a… portй les atteintes les plus mortelles а la foi et aux mœurs, et relвchй les liens les plus sacrйs de la sociйtй… Nombre prodigieux d’ouvrages scandaleux, fruits malheureux de l’amour de l’indйpendance, enfantйs par le libertinage et la crйdulitй, oщ l’on attaque avec une йgale audace la foi, la pudeur, la raison, le trфne et l’autel. Livres impies et corrupteurs circulant de toute part… »

Diffйrentes activitйs artistiques fleurissent dans les annйes prйcйdant la Rйvolution, provoquant une hostilitй extrкmement forte de milieux conservateurs, comme le clergй de Paris-hors-les-murs. » L’abus des thйвtres (profession que les lois civiles elles-mкmes flйtrissent) est montй а son comble, soit qu’on considиre la nature des piиces qu’on y reprйsente, dans lesquelles la religion, les mœurs, le gouvernement et tous les ordres de l’Etat sont йgalement outragйs, soit qu’on fasse attention а la multitude qu’on en a laissй йtablir, d’oщ des troupes d’acteurs et autres histrions se rйpandent dans les campagnes et y portent la corruption… Il faut dire la mкme chose de l’exposition publique des tableaux, statues et estampes… »

Autre nouveautй de la vie sociale dans les annйes prйcйdant la Rйvolution. la multiplication des cabarets oщ parfois l’on danse « Une cause destructrice des bonnes mœurs, de la religion, de l’ordre dans nos campagnes, c’est la frйquentation des cabarets… ces danses grossiиres et corruptrices, scandale sans doute affreux… ». Aussi, les membres du clergй du Bassigny (dans la Haute Marne actuelle) auteurs de cette mise en cause « prions instamment le Souverain » de faire revivre ses anciennes ordonnances а ce sujet, et d’intimer l’ordre а la police locale trop indiffйrente de les faire exйcuter dans la plus grande sйvйritй »

Mкme au sein de la noblesse, particuliиrement parmi les jeunes, des ferments de critique et d’opposition s’affirment face au pouvoir royal. Louis Philippe de Sйgur, de grande famille noble, militaire de haut rang, ambassadeur, fils de marйchal, a bien dйcrit dans ses Mйmoires l’atmosphиre des mois prйcйdant la Rйvolution :

« On se fit, d’un bout а l’autre du royaume, un point d’honneur de l’opposition… Les Parlements firent des remontrances, les prкtres des sermons, les philosophes des livres. Les grands corps de la magistrature opposaient au pouvoir arbitraire et а la dilapidation des finances une rйsistance qui les rendait populaires… Les hommes mыrs йtudiaient et enviaient les lois de l’Angleterre… Pour nous, jeune noblesse franзaise… nous marchions gaiement sur un tapis de fleurs qui nous cachait un abоme… Voltaire entraоnait nos esprits, Rousseau touchait nos cœurs ; nous sentions un secret plaisir а les voir attaquer le vieil йchafaudage, qui nous semblait gothique et ridicule. »

5) Les cahiers de dolйances du clergй

Aprиs avoir parcouru 22 de ces cahiers, je retiens un ton gйnйral conservateur, attachй aux privilиges. Au printemps 1789, l’Eglise constitue la couche sociale la plus imprйgnйe par la conception fйodale du monde, la plus immergйe dans la sociйtй d’Ancien rйgime, la plus imbue de ses privilиges. Cependant quelques voix poussent а un rфle plus important des curйs au sein des diocиses.

Nous venons de voir ci-dessus les attaques incessantes du clergй contre l’esprit de philosophie, le thйвtre, la danse, l’йvolution des moeurs, les cabarets.

Parmi d’autres cahiers relevons :

• l’alliance du trфne et de l’autel « Le trфne et l’autel ont un mкme fondement ; ils ne peuvent кtre йbranlйs l’un sans l’autre » (cahier de Saintonge)

• le monopole du clergй sur l’idйologie et la morale. « Le vœu le plus cher du clergй est … contre tout ce qui peut porter atteinte а la bonne foi et aux bonnes mœurs, de proscrire sous les peines les plus graves l’impression, vente et distribution de tous ouvrages qui pourraient en altйrer la puretй. d’interdire а tous autres qu’aux йvкques, chargйs du dйpфt sacrй de la foi, la connaissance et la dйcision de toutes les matiиres qui peuvent avoir trait а la saintetй de nos dogmes et а la puretй de la morale, comme les seuls juges en ce qui concerne la foi et les rиgles des mœurs » (clergй du Bassigny).

• Le monopole du clergй sur l’idйologie et la morale. « Que le roi emploie toute son autoritй pour arrкter les progrиs de l’irrйligion et de la corruption des mœurs, en… ordonnant, de plus fort, l’observation des rиglements de police sur la sanctification des dimanches et fкtes et sur la prohibition des livres pernicieux » (clergй de Nоmes)

• l’enseignement confessionnel. « L’expйrience a fait connaоtre combien les Frиres des Ecoles chrйtiennes travaillent avec succиs… « (clergй de Forcalquier)

• la messe obligatoire. « Il serait а dйsirer que les officiers de justice des seigneurs de paroisse vinssent faire leur visite dans les cabarets pendant l’office divin, les jours de dimanche et de fкte parce que la plupart des habitants n’assistent ni а la messe ni а vкpres » (Laurent, curй de La Celle sur Loire)

• le racisme antisйmite. « Les juifs, par leurs vexations, leurs rapines, la duplicitй cupide dont ils offrent journellement de si pernicieux exemples, йtant la principale et la premiиre cause de la misиre du peuple, de la perte de tout sentiment d’йnergie, de la dйpravation morale… que leur йtonnante pullulation… soit arrкtйe dans son principe et qu’il ne puisse plus кtre permis de contracter mariage qu’au fils aоnй de chaque famille juive ». (clergй de Colmar et Sйlestat)

Certains curйs sont, cependant, sur une toute autre longueur d’ondes :

• « Je demande la suppression de la dйclaration de 1656 qui nous dйfend de nous syndiquer… Je demande que l’ordre des curйs ait un nombre suffisant de reprйsentants choisis par lui, pour assister tant aux Assemblйes gйnйrales du Clergй qu’а la Chambre ecclйsiastique de chaque diocиse afin que nous ne soyons plus foulйs comme nous l’avons йtй jusqu’ici » (Reynaud, curй de Vaux et Champs).

6) Les cahiers de dolйances du Tiers Etat contre la pauvretй et les injustices criantes de l’Ancien rйgime

* Cahier de dolйances de Mandres (dont le seigneur est Monsieur, frиre du roi) « Mandres est un village situй presque au milieu d’une plaine trиs fertile en grains et ornй de plusieurs coteaux extrкmement fertiles en vin… mais depuis que Monsieur en a fait sa grande rйserve de chasse, cette plaine ne peut porter aucun grain d’aucune espиce… »

* Cahier de la sйnйchaussйe de Draguignan. « Ici le pauvre n’a pas le droit de faire du feu dans sa chaumiиre pour se garantir des impressions du froid, s’il ne l’achиte chиrement au seigneur par une contribution prise sur sa subsistance et celle de sa famille. Ce droit inhumain existe а Brovиs sous la dйnomination de droit de fouage. Lа, le laboureur n’a pas mкme le droit de nourrir ses bestiaux de l’herbe qui croоt dans son champ ; s’il y touche, il est dйnoncй, puni par une amende qui le ruine ; et l’exercice le plus lйgitime des droits de sa propriйtй est subordonnй а la volontй arbitraire du seigneur, qui a la prйtention du droit universel sur tous les herbages du territoire. Ce droit barbare existe а Ramaluette sous la dйnomination du droit de relarguier exclusif, et dans beaucoup d’autres lieux.

* Cahier de Sйzanne (Champagne). « C’est nous qui complйtons les armйes, qui en payons la nourriture et l’entretien, qui payons les canons, les fusils, tout l’attirail militaire, les fortifications et les vaisseaux, sans espoir de voir nos enfants parvenir aux grades supйrieurs ».

* Cahier de dolйances de la corporation des maзons de Marseille. « La viande est aujourd’hui а un prix… Bientфt le pauvre ne trouvera plus de quoi subsister ; c’est alors que nous verrons Marseille dйsertйe par les ouvriers de toute espиce et qu’elle ne sera plus la patrie que des riches oppresseurs qui, а la longue, ne seront plus entourйs que d’un peuple d’esclaves. »

* Cahier de La Chapelle Craonnaise (texte adaptй d’un modиle ramenй de la ville par un mйtayer). « Les dйputйs solliciteront l’abolition entiиre de tous les privilиges des nobles, ecclйsiastiques et gens en place… Que la corvйe soit totalement abolie. Que soient abolies les justices et polices seigneuriales, les droits de chasse, de pкche, les banalitйs, les cens, rentes et devoirs seigneuriaux… »

* Cahier de dolйances de Soulangis (Baillage de Bourges) sur le sort des ouvriers agricoles "Plus affligeante encore est la condition du manoeuvre pour qui chaque jour de pluie est un jour de disette ; qui, courbй vers la terre du lever au coucher, ne peut arracher de son sein que le morceau de pain noir qui le soutient jusqu’au lendemain. Qu’on lui suppose une famille dans l’enfance, quels sont les moyens pour l’йlever. Que la vieillesse engourdisse son bras, quel est son appui. Hйlas. il n’a d’autre ressource que de tendre ses mains durcies par le travail. Tel est le sort des suppliants. Ils n’ont pour tout bien que le faible prix de leur journйe.Sur cette somme mйdiocre ils doivent prйlever leurs impositions. Que leur reste-t-il pour subvenir а leur entretien, pour payer le sel, cet autre genre d’imposition si cruelle. "

7) Les cahiers du Tiers Etat s’attaquent au clergй, а la noblesse, aux ministres du roi

« Nous ne paierons plus aux seigneurs de rachats ni lods ni ventes, mais nous les paierons aux hфpitaux а l’avenir, pour l’entretien, pour la nourriture des mineurs, orphelins, infirmes, vieillards, incapables de gagner leur vie dans l’йtendue du fief. (. ) Que toutes les abbayes soient supprimйes au profit de Sa Majestй pour payer la dette nationale. » Cahier de dolйances des artisans de Pont-L’abbй

7a) Contre le clergй

* Cahier du Tiers Etat de Saint Quinrin et Cayra. Notre curй est sourd aux gйmissements des nйcessiteux dont cette paroisse fourmille. Cinq moines consomment 24000 livres de rente dont nos biens font partie. Superbement logйs, les mets les plus recherchйs abondent а leur table ; les dames, la noblesse des environs y sont admises ; mais les pauvres qui se prйsentent а leur porte sont chassйs ignominieusement comme des кtres vils et mйprisables qu’ils ne reconnaissent plus pour leurs frиres. Usez, Sire, de grвce, de toute votre puissance pour dйtruire ces moines inutiles qui font voeu de pauvretй et regorgent de richesses ; ce sont des sangsues dйvorantes, des plantes parasites ; et c’est chez eux que votre majestй trouvera un des moyens de restaurer pour ses finances.

* Cahier de Mirabeau (Provence). "De tous les abus qui existent en France, le plus affligeant pour le peuple, le plus dйsespйrant pour les pauvres, c’est la richesse immense, l’oisivetй, les exemptions, le luxe inouп du haut clergй. Ces richesses sont composйes en grande partie de la sueur des peuples sur lesquels le clergй perзoit un impфt affreux sous le nom de dоme.

* Cahiers de dolйances de Le Burgaud (Haute Garonne) « Nous disons que le premier Ordre du Royaume offre au premier coup d’œil des richesses extraordinaires presque toujours employйes а des dйpenses d’ostentation, qui peuvent tout а la fois suffire а l’acquit des dettes de l’Etat et а leur honnкte entretien. Pour poursuivre ce but, il faut rйduire tout le Haut-Clergй au tiers de leur revenu (. ) et tout le bas clergй ou sйculier а 1500 livres de pension (. ) »

7b) Contre la noblesse

* Cahier du Tiers Etat de Saint Quinrin et Cayra « Sire, ce n’est qu’avec la plus vive douleur que nous voyons de grosses pensions accordйes а des courtisans vils et intrigants, qui se parent aux yeux de Votre majestй des dehors du mйrite. Des йmoluments considйrables sont attachйs а des charges sans fonctions. Si vous saviez, Sire, de combien de sueurs, de combien de larmes est arrosй l’argent qui entre dans vos trйsors. Des gens qui consomment en un jour, dans les dйbauches de la capitale, le produit des impфts de milliers de vos misйrables sujets. Nous ne pouvons nous dissimuler, Sire, que c’est la noblesse qui consume la majeure partie des revenus de l’Etat.

* Cahier de dolйance des vitriers de Saint-Maixent « Nous dйclarons ici, au nom de l’humanitй, l’extinction de certains droits fйodaux que l’ignorance des siиcles barbares a consacrйs а l’orgueil fйroce des nobles possesseurs de quelques vieux chвtels. »

* Cahiers de dolйance d’Aix « Ainsi la noblesse jouit de tout, possиde tout, et voudrait s’affranchir de tout ; et cependant si la noblesse commande les armйes, c’est le Tiers йtat qui les compose ; si la noblesse verse une goutte de sang, le tiers йtat en rйpand des ruisseaux. La noblesse vide le trйsor royal, le Tiers йtat le remplit ; enfin le Tiers йtat paie tout et ne jouit de rien. »

* Cahier de dolйances de Gastines (Mayenne) " Les Nobles seuls jouissent de toutes les prйrogatives. richesses, honneurs, pensions, retraites, gouvernements, йcoles gratuites. Ainsi la Noblesse jouit de tout, possиde tout ; cependant, si la Noblesse commande les armйes, c’est le Tiers Etat qui les compose ; si la Noblesse verse une goutte de sang, le Tiers Etat en rйpand des ruisseaux.La Noblesse vide le trйsor royal, le Tiers Etat le remplit ; enfin le Tiers Etat paie tout et ne jouit de rien. Il serait souhaitable que les droits des seigneurs fussent abolis. Ils regardent ceux qui font valoir leurs biens comme de vrais valets, le laboureur qui les nourrit comme un esclave ; si un journalier а leur service succombe sous le faix, ils en sont moins touchйs que d’un de leurs chevaux qui pйrit dans l’йcurie. "

7c) Contre les ministres du roi

* Cahier de Briey. « L’absence de constitution assise sur des bases solides, en laissant aux ministres la libertй d’enfreindre les lois, les a bientфt portйs а substituer aux lois leurs volontйs passagиres. Si nous eussions eu des lois solides, une constitution bien йtablie, nous n’aurions pas vu successivement des ministres ignorants, pervers et dйprйdateurs. hasarder la fortune publique par des emprunts ruineux et mal combinйs ; appauvrir l’Etat par des йchanges dйsastreux ; se livrer а toutes les vexations, а tous les dйsordres auxquels n’est que trop portй celui qui peut tout faire. "

8) Les cahiers du Tiers Etat contre les impфts lourds, complexes et arbitraires d’Ancien rйgime

* Cahier de dolйances de Valencay (Indre) " Les habitants se plaignent d’кtre surchargйs de taille, capitation et autres impфts. Les droits sont trиs nuisibles au commerce du vin, tant en gros qu’en dйtail … Le sel, denrйe si nйcessaire а la vie non seulement des hommes mais aussi des bestiaux, est portй а un prix excessif. Pour remplacer tous ces impфts supprimйs, le gouvernement йtablirait un impфt unique,en nature ou en argent,en y faisant contribuer les ecclйsiastiques et les nobles qui doivent кtre assujettis comme le Tiers-Etat…"

* Assemblйe du bourg de Chйrances, 6 mars 1789 « On demande la suppression entiиre de la gabelle, vrai flйau de l’Etat, la vente libre du tabac, la suppression des traites dans l’intйrieur du royaume, la chasse libre а tout propriйtaire, n’йtant pas juste que les moissons soient ravagйes pour flatter l’ostentation des nobles et ruiner le laboureur, l’amortissement des rentes dues au seigneur (. ), un йgal d’impфts (. ), l’extinction de la taille, capitation et accessoires, l’abolition de la fйodalitй (. ), suppression des francs-fiefs, (. ) faire rendre compte aux ministres des fonds qui leur sont confiйs. »

* Cahier de Parent (Auvergne). " Les capitations, les vingtiиmes et tant d’autres impфts par leur accroissement rapide sont devenus autant de flйaux pour les habitants des campagnes. Et si, comme il arrive trop souvent, les flйaux de la grкle, l’inondation et l’incendie anйantissent leur travail ; que de maux а la fois. Les crйanciers poursuivent sans relвche. Le collecteur arrive ; et tout а coup, les uns et les autres par surcroоt s’emparent des dйpouilles de cette famille malheureuse. C’est alors que, poursuivie par la misиre, errante et sans asile, elle parcourt l’univers pour implorer les secours de l’humanitй".

* Cahier de La Chapelle Craonnaise "Les dйputйs solliciteront. l’abolition de la gabelle… des tailles, capitations, vingtiиmes, aides et autres droits. Que pour remplacer ces impфts et droits, il soit йtabli… une capitation personnelle, une taxe fonciиre et une d’exploitation, qui frapperont indistinctement les citoyens des trois ordres".

9) Les cahiers de dolйances du Tiers Etat pour la souverainetй populaire, un systиme politique reprйsentatif, des droits dйmocratiques (presse, justice)

Parmi les dizaines de milliers de cahiers rйdigйs par le tiers йtat et les millions de souhaits qu’ils expriment, relevons :

• Cahier de Paris. « La puissance lйgislative appartient а la nation, conjointement avec le roi. Nul impфt ne peut кtre йtabli que par la nation. Les Etats Gйnйraux seront pйriodiques… Il est question d’accorder aux Nиgres leur affranchissement. Les femmes, presque aussi esclaves qu’eux, ont pour devise « Travailler, obйir et se taire ». Voilа un systиme oщ les plus forts ont fait les lois et soumis les plus faibles mais dont aujourd’hui la raison a dйmontrй l’absurditй. La femme est le Tiers Etat du Tiers Etat. De mкme qu’un noble ne peut reprйsenter un roturier, un homme ne peut reprйsenter une femme. »

• Cahier de Thostes (Bourgogne). « Que le nombre des reprйsentants du tiers ordre aux Etats Gйnйraux soit йgal aux dйputйs des deux autres ordres rйunis. Que les suffrages soient recueillis par tкte et non par ordre ».

* Cahier de Peumerit-Cap (Bretagne) Les paroissiens de Peumerit-Cap. demandent instamment. Que le tiers йtat de la province de Bretagne soit reprйsentй, tant aux Etats gйnйraux qu’aux Etats provinciaux, par un nombre de dйputйs qui йgalera en nombre les deux premiers ordres rйunis, lesquels dйputйs ne pourront кtre nobles, procureurs fiscaux, ni ecclйsiastiques ; qu’on vote par tкte, non par ordre.

* Cahier de Besanзon. « La presse sera libre… seront abolies toutes exclusions… pour tous les emplois ou dignitйs… »

* Cahier de Duclair, bailliage de Rouen "On dйsire que la rigueur des peines soit modйrйe ; des supplices atroces n’ont jamais rendu les citoyens vertueux. Que l’instruction se fasse en prйsence d’au moins deux juges. Qu’lle soit publique aprиs le rйcolement (vйrification des dйclarations des tйmoins) et la confrontation et qu’il soit donnй un dйfenseur а l’accusй, de son choix. Que nul ne soit arrкtй et emprisonnй, exceptй le cas de flagrant dйlit, sans un dйcret prйalable. D’oщ suit l’abolition des lettres de cachet et de tous ordres arbitraires.

10) Les cahiers de dolйances du Tiers Etat pour une sociйtй plus йgalitaire, prenant en compte les besoins de la population (impфts, emploi, mйdecine, йducation. )

* Cahier de Peumerit-Cap (Bretagne) Les paroissiens de Peumerit-Cap. demandent instamment. Que le clergй et la noblesse contribuent avec le tiers а l’entretien des grandes routes. Que la capitation (impфt par tкte), rфles des fouages (impфt levй sur chaque foyer) et autres charges pйcuniaires soient toutes comprises dans un seul et mкme rфle, sur lequel seront йgalement portйs MM les ecclйsiastiques et les nobles, et que le contribuable soit dйsormais capitй sur un taux proportionnй а son opulence. Que les roturiers puissent кtre admis а possйder, dans la sociйtй, tout emploi civil ou militaire, le mйrite devant l’emporter sur la naissance.

* Cahier d’Elliant, Sйnйchaussйe de Concarneau. « Qu’il soit йtabli dans chaque paroisse ayant mille communiants ou plus un chirurgien-accoucheur qui prкtera йgalement ses soins aux autres cultivateurs et laboureurs de la mкme paroisse. Le gouvernement l’appointera modйrйment pour les personnes pauvres ».

* Cahier de Paris-hors-les-murs. " Les йcoles manquent partout. Depuis longtemps, nous dйsirons un maоtre d’йcole pour l’instruction d’une jeunesse qui croupit dans l’ignorance. Les dйputйs demanderont l’exйcution de l’йdit de 1695 relativement а l’йtablissement de maоtres d’йcole dans les campagnes.

• Cahier de Witry les Reims. « Qu’а tout le moins il ne soit йtabli qu’un seul et mкme impфt en argent … rйparti йgalement sur toutes les possessions du clergй, la noblesse et le tiers-йtat… Qu’il n’y eut qu’une coutume, une mesure, un seul poids, ce qui rendrait les lois uniformes dans tout le royaume et serait d’une grande facilitй pour le commerce ».

• Cahier de Gif sur Yvette. « Il serait avantageux de voir ordonner la suppression des colombiers et de donner а tous le droit de chasse ».

• Cahier de Lauris (Provence). « O grand roi. Perfectionnez votre ouvrage, soutenez le faible contre le puissant, dйtruisez le reste de l’esclavage fйodal, affranchissez nos biens de la servitude dont vous avez affranchi depuis peu nos corps… »

* Cahier des laboureurs et ouvriers de Pont l’abbй. « Depuis huit jours, nous avons nommй des dйputйs, tant de la classe des laboureurs que des ouvriers. Malgrй toutes les prйcautions possibles qu’exige la biensйance, ces Messieurs n’ont pas voulu йcouter nos dolйances ».

11) Les cahiers de dolйances de la noblesse

Les plus caractйristiques sont ceux qui ne veulent rien lвcher des privilиges nobles mais souhaitent une йvolution politique а l’anglaise de la monarchie oщ la noblesse participe fortement au pouvoir politique au sein de la nation

• « La noblesse du bailliage de Montargis dйclare qu’elle est invariablement attachйe au gouvernement monarchique, mais tempйrй par des lois reзues et consenties librement par la nation et le monarque … Considйrant que toute propriйtй est sacrйe et inviolable, nous dйclarons ne jamais consentir а l’extinction des droits qui jusqu’ici ont caractйrisй l’ordre noble, et que nous tenons de nos ancкtres. Nous prescrivons formellement а notre dйputй de s’opposer а tout ce qui pourrait porter atteinte aux propriйtйs utiles et honorifiques de nos terres… »

* « La noblesse d’Amont demande que l’ordre dont elle fait partie soit maintenu dans toutes ses prйrogatives personnelles… La Noblesse n’entend en aucune maniиre se dйpouiller des droits seigneuriaux honorifiques et utiles tels que justice…, chasse, pкche, mainmorte, corvйe, lods, colombier, cens, redevances, commise, mainmise, droit de retrait, consentement, taille, dоmes, et autres quels qu’ils soient ».

* Cahier de dolйances de la Noblesse de la sйnйchaussйe de Castres « Que le Tiers йtat, satisfait de tous les droits qu’il a acquis et de ceux que la noblesse a perdus, cesse enfin de se plaindre, qu’il jette les yeux sur tous les Etats de l’Europe. il y verra dans tous les royaumes une noblesse plus privilйgiйe que la noblesse franзaise. »

12) Les cahiers de dolйances analysйs par deux historiens

Les historiens qui ont comparй les cahiers de 1614 et ceux de 1789 considиrent qu’ils illustrent les йvolutions sociйtales entre ces deux dates. « L’analyse des cahiers de dolйances montre un changement йvident des valeurs sociales et politiques. On demande en 1789 le consentement des йtats aux levйes d’impфts, la suppression des distinctions de costume entre les dйputйs des trois ordres, la dйlibйration en commun avec le clergй et la noblesse, le vote par tкte, le retour pйriodique et la convocation automatique des sessions, la suppression des privilиges fiscaux, l’admission des citoyens du Tiers Etat а toutes les fonctions, le rachat des droits seigneuriaux en vue de leur extinction. Tout cela est radicalement diffйrent de 1614. Autre nouveautй, les cahiers de 1789 expriment peu de besoins religieux. On ne se soucie plus de l’accиs de tous aux sacrements, ni de multiplier les pasteurs ou de les obliger а plus de saintetй. on s’intйresse seulement aux dоmes (pour les critiquer) ou aux biens du clergй, parfois pour demander leur sйcularisation. Il y a, par rapport а 1614, un grand courant de laпcisation… Alors que la sociйtй, selon les cahiers de 1614, est fondйe sur le principe de la hiйrarchie, d’une inйgalitй voulue par Dieu et inscrite dans la nature toute entiиre, en 1789 on proclame partout que les hommes ont en naissant un droit йgal au bonheur et а la libertй, une origine commune. Les cahiers de 1614 йtaient tournйs vers un вge d’or а restaurer, ceux de 1789 vers un futur qui ne peut кtre que meilleur, un monde que tous doivent construire » (Yves Durand Encyclopedia Universalis).

" Comment ont йtй rйdigйs les cahiers. La masse la plus compacte des cahiers originaux permet de distinguer des "familles" et par lа mкme de nuancer ce que l’on peut attendre des documents. On sait que des modиles de cahiers types avaient йtй rйpandus. On sait qu’en Normandie, par exemple, un quinziиme des cahiers de la rйgion rouennaise se sont inspirйs du modиle йtabli par l’avocat Thouret ; ce qui situe et limite а la fois la part d’une propagande а l’йchelle nationale. Dans la plupart des cas, les revndiactions locales ont su se faire entendre. restait а savoir qui porterait la parole. Tous les hommes se plus de 25 ans, а condition qu’ils soient imposйs, sont йlecteurs, mais de faзon diffйrente et fonciиrement inйgale en fonction de la structure des ordres et des Etats. La noblesse rйvйla des clivages complexes, parfois ambigus. protestation des nobles non fieffйs (non propriйtaires fonciers) йcartйs du scrutin ; inversement, hostilitй allant jusqu’а l’abstention de la haute noblesse des pays d’йtats contre l’idйe de cohabiter avec la petite noblesse. Dans le tiers, on ne peut passer sous silence la main mise bourgeoise. A chaque niveau, la parole a йtй portйe par les notables. laboureurs contre manouvriers au village, bourgeois urbains traitant des revendications rurales dans un esprit bien diffйrent, monopole que s’arrogиrent а la ville comme au bourg le groupe des robins (magistrats) d’кtre les porte-parole privilйgiйs et souvent exclusifs" ( Michel Vovelle, La chute de la monarchie, Seuil, 1972 et 1999).

Les 6 prйcйdents articles de cette sйrie 1789 2009 :